Résultat 1 ressource
-
La Directive du 14 décembre 2022 concernant la publication d’informations en matière de durabilité pousse les grandes entreprises européennes à identifier, et par-là espère-t-on à prévenir ou limiter, les risques écologiques et sociaux de leurs activités. Sont concernées non seulement les atteintes à l’environnement et aux droits humains qui pourraient menacer la solidité financière des entreprises concernées, mais aussi celles qui exposent les droits de l’homme et l’environnement à des risques intrinsèquement significatifs, indépendamment de leurs ramifications financières éventuelles. La finalité prêtée à cette transparence imposée est de rendre le tissu productif européen plus soutenable. Les commentateurs insistent généralement sur le rôle des parties prenantes dans ce gain de soutenabilité : la mise en transparence des pratiques des entreprises est supposée renforcer le pouvoir de pression et de négociation des syndicats et associations. Toutefois, l’enjeu du reporting institué par la Directive du 14 décembre 2022 n’est pas seulement d’informer les tiers, ou d’infuser dans l’entreprise la crainte de pressions externes, mais aussi de pousser les dirigeants d’entreprise à réfléchir plus avant au modèle d’affaires choisi et à la configuration de la chaîne de valeur associée. En d’autres termes, le modèle de gouvernance qui inspire la fabrique du droit européen du reporting sur la durabilité n’est pas seulement celui du Panoptique benthamien, mais aussi le précepte gestionnaire qui veut que l’« on (ne) gère (que) ce que l’on mesure ». Deux logiques distinctes sous-tendent ainsi la régulation par l’information à l’œuvre : l’amélioration des pratiques des entreprises est réputée procéder tantôt de pressions externes ou du risque de telles pressions (gouvernance par les parties prenantes ou par la seule transparence), tantôt de la réflexion interne (gouvernance réflexive). Bien que ces deux ressorts de la régulation par l’information soient théoriquement compatibles, leur articulation pratique pose des problèmes. Ainsi, une réglementation minutieuse du mode de fabrication des informations pourrait à la fois favoriser la comparabilité des données dont se nourrissent les pressions externes, et alimenter une mise en conformité de pure forme, au détriment d’une réelle réflexion sur la stratégie de l’entreprise et son modèle d’affaire. Si les entreprises conservent une réelle marge de manœuvre dans la fabrique de l’information sur la durabilité, c’est ainsi afin d’éviter de sacrifier la gouvernance réflexive sur l’autel de la gouvernance par les parties prenantes. L’espoir placé dans une telle régulation par l’information pourra sembler, à certains, comme un vœu pieu. Plutôt que de supplier les grandes entreprises multinationales de réinterroger leurs pratiques et leurs modèles d’affaire, pourquoi ne pas les contraindre à le faire ? La régulation par l’information n’est assurément pas une panacée, mais elle est peut-être l’une des rares options effectivement disponibles aujourd’hui pour rendre les pratiques des grandes entreprises plus compatibles avec les objectifs écologiques collectifs (à côté des subventions publiques et de la commande publique). Dans cette perspective, et compte tenu des débats persistants sur ce en quoi consiste une production durable, l’écueil fondamental de la Directive n’est peut-être pas d’avoir conservé l’orientation réflexive des textes qui l’avaient précédée, mais de l’avoir insuffisamment « outillée ». En effet, le texte ne garantit pas que les dirigeants des grandes entreprises réfléchissent vraiment au modèle d’affaire des entreprises qu’ils dirigent, et à sa compatibilité avec les limites des écosystèmes. Cet article propose plusieurs pistes afin d’y remédier et, ce faisant, d’amplifier la réflexivité environnementale des grands groupes.
Explorer
Thématiques
Type de ressource
- Article de revue (1)
Année de publication
-
Entre 2000 et 2025
-
Entre 2020 et 2025
(1)
- 2023 (1)
-
Entre 2020 et 2025
(1)
Langue de la ressource
- French (1)
Ressource en ligne
- oui (1)