La Cour Africaine des Droits de l’Homme : la liberté de circulation des étrangers et l’intégration africaine. Observations rétrospectives sur l’arrêt Ikili Rashidi contre République-Unie de Tanzanie du 28 mars 2019
Type de ressource
Auteur/contributeur
- Moyen, Léandre SergeI (Auteur)
Titre
La Cour Africaine des Droits de l’Homme : la liberté de circulation des étrangers et l’intégration africaine. Observations rétrospectives sur l’arrêt Ikili Rashidi contre République-Unie de Tanzanie du 28 mars 2019
Résumé
La Cour africaine était sollicitée pour répondre à la question de savoir si les ressortissants des États africains peuvent avoir droit, au même titre que les nationaux d’un État, à une égale protection en ce qui concerne la liberté de circulation et de séjour, c’est-à-dire de choisir librement leur résidence sur le territoire d’un État membre de l’Union africaine et signataire de la Charte africaine des droits de l’homme, même quand la régularité de leur séjour n’est pas formellement établie. Cette question fait directement référence à la problématique de l’intégration africaine, et en s’inscrivant dans la perspective intégrationniste, il était possible d’y répondre par l’affirmative.
Au regard de l’idéal politique panafricain de l’unité politique affirmé pas le traité constitutif de l’Union africaine, la Cour pouvait interpréter la Charte africaine des droits de l’homme ou la Déclaration universelle des droits de l’homme comme autorisant les ressortissants des États africains à établir leur résidence où ils le souhaitent sur n’importe quel territoire d’un État membre de l’Union. Mais l’absence d’une citoyenneté africaine a conduit la Cour à lire l’article 3 de la Charte africaine dans le sens opposé. Ce faisant, elle entérine le renforcement des législations nationales, qui se sont inspirées des législations européennes très restrictives à l’égard de l’entrée et du séjour des étrangers sur le territoire de l’Union européenne. Elle s’est abstenue de créer du droit substantiel, alors qu’elle avait toute latitude pour le faire, à l’instar de la Cour européenne qui limite volontiers le pouvoir souverain des États en matière de protection des droits fondamentaux des personnes.
Cette attitude prudente s’est confirmée dans l’appréciation des règles du procès équitable, où la Cour fait un usage modéré des pouvoirs que lui confèrent les articles 56 alinéas 5 et 6 de la Charte africaine et 40 § 6 du Règlement de la Cour, bien que le cadre conventionnel soit plastique. En définitive, la Cour africaine n’a pas été conçue pour accompagner l’unité politique africaine ; elle n’est pas l’instrument de mise en œuvre de la politique d’intégration africaine, et la décision Ikili Rashidi montre à coup sûr les limites de l’office du juge panafricain dans la protection des droits et libertés des citoyens. Il est impératif que les États s’orientent vers l’institution du contrôle de constitutionnalité des lois à l’échelle fédérale, ce qui semble être la seule alternative permettant la mise en place d’une justice réellement souveraine au service de l’intégration.
Publication
Revue Africaine des Sciences Juridiques, Administratives et Politiques
Numéro
6
Pages
69-104
Date
2024-12-31
Abrév. de revue
RASJAP
Langue
FR
ISSN
1987-1759
Référence
Moyen, L. S. (2024). La Cour Africaine des Droits de l’Homme : la liberté de circulation des étrangers et l’intégration africaine. Observations rétrospectives sur l’arrêt Ikili Rashidi contre République-Unie de Tanzanie du 28 mars 2019. Revue Africaine des Sciences Juridiques, Administratives et Politiques, 6, 69–104. https://usjpb.edu.ml/site/doc/Rasjap6.pdf
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